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Assurance chômage : réaliser un milliard d’économie sans réduire les droits à indemnisation des chercheurs d’emploi

Le gouvernement a remis le 25 septembre 2018 aux organisations syndicales et patronales, le document de cadrage de la négociation sur l’assurance chômage dont le terme a été reporté de la mi-janvier au 20 février 2019. Ce document fait état, en particulier, des difficultés de recrutement auxquelles sont confrontées nombre d’entreprises et du développement excessif des contrats courts et il souligne que les règles en vigueur n’incitent pas suffisamment à une meilleure organisation du travail. Si SNC est plutôt d’accord avec le diagnostic d’ensemble, elle ne considère pas que la réponse consiste à réduire les droits et, en particulier, le niveau d’indemnisation des personnes au chômage, comme peut le laisser entendre l’objectif de réaliser une économie de 1MD€ à 1,3MD€ par an pendant 3 ans, mais d’orienter différemment les interventions de l’assurance chômage. Il s’agit de les rendre incitatives au recours au contrat à durée indéterminée, de les cibler davantage sur les chercheurs d’emploi qui ont besoin de se former et, également, de les utiliser pour prévenir le chômage de longue durée et par là même de réduire les dépenses d’indemnisation.

Lutter contre la précarisation de l’emploi et inciter à l’allongement des contrats de travail

SNC préconise l’instauration d’une couverture partielle des périodes chômées entre deux périodes d’emploi, prévues par le CDI.

Les règles de l’assurance chômage sur le cumul d’allocations et de rémunérations ont été mises en place dans l’idée qu’il était préférable de permettre à des personnes à la recherche d’un emploi d’effectuer une activité quelle que soit sa durée, son exercice étant toujours préférable au chômage total. Aujourd’hui, il est reproché à cette mesure de renforcer la dualité du marché du travail, même si les inégalités importantes entre des salariés en CDI dont la situation est stable et des salariés très précaires en CDD et en intérim reposent avant tout sur une législation du travail qui valide ces différences. Dès lors, comment l’assurance chômage, au lieu de favoriser une succession de CDD courts très souvent chez les mêmes employeurs1, pourrait-elle orienter son intervention pour sécuriser l’emploi de ceux dont l’activité comporte, par construction, des discontinuités ?

Aujourd’hui, les modalités d’intervention de l’assurance chômage freinent, le développement du CDI intermittent, comme celui des contrats avec des groupements d’employeurs puisque les périodes de cessation temporaire d’activité dans le cadre de ces contrats ne donnent lieu à aucune indemnisation par l’assurance chômage, d’où le recours préférentiel aux CDD par les secteurs dont l’activité est plus ou moins irrégulière et/oudiscontinue. Pour inverser cette tendance, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC) préconise l’instauration d’une couverture partielle des périodes chômées entre deux périodes d’emploi, prévues par le CDI. Pour que le système ne pèse pas uniquement sur l’assurance chômage, un « ticket modérateur » sous la forme d’un minimum de jours d’inactivité à la charge de l’employeur serait à prévoir. La réduction de la précarité passe aussi par un allongement de la durée des contrats de travail et par un meilleur encadrement des contrats d’usage. Une mesure consistant à avoir un contrat de travail dont le montant de charges « chômage » serait dégressif en fonction de la durée dans l’emploi favoriserait la continuité de l’emploi. SNC préconise une contribution « chômage » patronale dégressive en fonction de la durée du contrat.

Favoriser l’accès à la formation qualifiante

La formation professionnelle constitueun instrument essentiel de la politique de l’emploi, visant, en particulier, à faciliter la réinsertion des chercheurs d’emploi. Dans cette perspective, les ressources de l’assurance chômage doivent pouvoir être davantage mobilisées pour abonder le compte personnel de formation (CPF) des personnes au chômage. Particulièrement pour l’accomplissement de formations destinées à celles qui sont non qualifiées ou ont besoin de se requalifier, le CPF « transition professionnelle » étant, en effet, à ce jour, réservé aux salariés. Par ailleurs, la formation ne peut être valablement accomplie que si le stagiaire reçoit, au cours de sa période de stage, une rémunération qui lui permette de faire face à ses charges et besoins courants. Une rémunération suffisante doit lui être garantie à cet effet pour toute la durée de l’action par l’assurance chômage.

Prévenir le chômage de longue durée par une intensification de l’accompagnement

Cela confirme que les intéressés ont plus besoin d’un accompagnement renforcé en cas de chômage prolongé que de contrôle.

La légère baisse du chômage et la faible inflexion de la précarité qui en résulte,s’accompagne, en même temps, d’un allongement de la durée d’inscription comme demandeur d’emploi à Pôle emploi. Il appartient à l’assurance chômage, au-delà des moyens à déployer en matière de formation, d’intervenir pour prévenir le chômage de longue durée. Selon une étude de Pôle emploi sur le contrôle de la recherche d’emploi publiée en août dernier2, plus le chômage dure, plus la recherche est difficile et de moindre effet. Cela confirme que les intéressés ont plus besoin d’un accompagnement renforcé en cas de chômage prolongé que de contrôle. C’est en effet par un soutien approprié et intensifié lorsque le chômage dure que les plus en difficulté peuvent progresser et non par des mesures coercitives qui, elles, devraient plutôt s’exercer en début de chômage sur les chercheurs d’emploi les plus employables, afin d’accélérer leur retour à l’emploi. Si on considère qu’un jour d’indemnisation coûte globalement 150 millions d’euros à l’assurance chômage, il suffirait de faire en sorte que, grâce à un accompagnement, efficace et une orientation réaliste et pertinente la durée d’indemnisation moyenne, qui est de 420 jours, soit réduite de 7 jours pour obtenir une économie de 1MD€ d’euros, soit ce qui correspond à ce qui est demandé dans la note de cadrage gouvernementale et ce sans réduire les droits à indemnisation des chercheurs d’emploi.

Jean-Paul Domergue, administrateur et responsable du Pôle plaidoyer SNC
Vincent Godebout, délégué général de SNC


1 Selon l’Unédic, 69% des CDD sont renouvelés par un ancien employeur du salarié. Source : Unédic, « Relation de travail et contrats de moins d’un mois : quelle place dans le marché du travail en France ? », septembre 2018 par l’Unédic

2 Pôle emploi, Statistique, études, évaluation, Eclairages et synthèses, août 2018 n°045