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Le niveau des allocations de chômage en question pour les plus précaires

Récemment, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, affirmait que certains chercheurs d’emploi « gagne plus au chômage qu’en travaillant » avançant le chiffre « d'un demandeur d'emploi sur cinq ». Cette proportion a aussitôt suscité l’étonnement de Solidarités Nouvelles face au Chômage et ce d’autant plus qu’une étude de l’Unédic ayant le même objet aboutit à des résultats très inférieurs.

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La note « Taux de remplacement net », non datée, qui a été produite par Pôle emploi pour étayer les propos ministériels permet de mieux comprendre comment un tel résultat a été obtenu. Pour calculer le taux de remplacement mensuel net d’un chercheur d’emploi, Pôle emploi rapporte l’allocation mensuelle nette d’un chercheur d’emploi non pas à la rémunération mensuelle moyenne nette des jours de travail accomplis mais à la rémunération moyenne nette de la période au cours de laquelle les jours de travail en question ont été accomplis.

Pour expliciter le sujet, la note retient un premier l’exemple, un peu caricatural, d’une personne qui a travaillé, au cours d’une période de 11 mois, 8 jours chacun de ces mois, dans le cadre d’une succession de CDD, soit 88 jours de travail au total. La rémunération moyenne que calcule Pôle emploi n’est pas établie en fonction des 88 jours de travail mais en lissant ces rémunérations sur 11 mois. Le second exemple concerne une personne qui a travaillé 4 mois sur 24 mois mais avec des oscillations et des interruptions : 3 mois étaient à temps plein et ont donné lieu à une rémunération mensuelle de 1 500€, tandis que trois autres étaient à temps partiel (10 jours de travail chacun) pour une rémunération mensuelle limitée à 500 €. La rémunération moyenne s’élevant à 1 000€, il est fait observer que le revenu de remplacement sera plus élevé que le dernier salaire remplacé. C’est grâce à cette modalité de calcul de la moyenne que l’on parvient à montrer que le chercheur d’emploi perçoit plus en chômage qu’en travaillant ! Mais quelle est la validité de cette approche ?

Le revenu de remplacement déterminé en fonction du revenu remplacé

Il faut rappeler que telle qu’elle a été conçue en France, l’assurance chômage a pour mission de servir un revenu de remplacement déterminé en fonction du revenu remplacé, celui-ci étant constitué de la moyenne des rémunérations afférentes aux périodes de travail dont l’intéressé justifie pour s’ouvrir des droits. La durée de l’indemnisation est également fonction de la totalisation des périodes de travail retenues. Dans le premier exemple donné cela conduit à calculer la moyenne des rémunérations sur la base des 88 jours de travail et à accorder une durée d’indemnisation sur la même base, soit 122 jours qui est la transformation en jours calendaires des 88 jours de travail et, dans le second, le calcul est à effectuer sur les 90 jours de travail (3 mois de 20 j et 3 mois de 10 j), ce qui donne en jours calendaires droit à 126 jours d’indemnisation. L’étude de Pôle emploi sort de cette logique, considérant que, pour l’établissement du taux de remplacement, il convient de ne pas se référer au salaire moyen afférents aux jours de travail, mais à une période dissociée du travail effectif, soit celle au cours de laquelle les jours de travail ont été accomplis ce qui évidemment fait baisser la moyenne des rémunérations.

Une approche décalée et contestable

Cette approche est décalée par rapport à ce que prévoit la règlementation en vigueur et elle est aussi contestable parce qu’elle ne tient pas compte de ce que le revenu d’une personne qui a alterné de courtes périodes de travail et de chômage est constitué de salaires et d’allocations de chômage. Si on devait en effet retenir que la moyenne des rémunérations soit calculée en fonction de la période au cours de laquelle les jours de travail ont été effectués, il faudrait prendre en compte aussi les allocations de chômage qui se situent dans cette période pour effectuer les comparaisons. Enfin, même si l’on fait abstraction de ces considérations, les comparaisons établies dans la note sont biaisées : dans un premier cas il est comparé un salaire moyen établi sur une période de 11 mois avec une indemnisation versée pendant 4 mois et, dans le second, une rémunération moyenne établie sur 24 mois avec une indemnisation versée durant un peu plus de 4 mois !

Le montant des allocations est toujours inférieur au montant de rémunérations

Pour que la comparaison ait un sens il faut que la période ayant servi à la détermination du salaire moyen et celle retenue pour fixer le montant du revenu de remplacement moyen soient de même durée. Lorsque la comparaison est ainsi opérée, le montant de l’allocation est toujours inférieur à celui de la rémunération antérieure. Dans le premier exemple, la rémunération de 5 500 € perçue au cours des 11 mois par l’intéressé est à comparer à l’indemnisation qui sera globalement versée pour une période de 11 mois de chômage soit 3 680 € (67% de l’ancien salaire). Dans le second exemple la rémunération de 6 000 € sur 24 mois est à comparer à l’indemnisation globale qui sera versée durant 24 mois, soit 4 536€1 (75% de l’ancien salaire). Le montant des allocations est donc bien toujours inférieur au montant de rémunérations.

Le régime d’assurance chômage doit protéger les chercheurs d’emploi

Une telle publication si elle soulève des questions sur le plan technique a surtout pour inconvénient d’accréditer l’idée que ceux qui sont confrontés à la privation d’emploi et vivent dans la précarité s’en sortiraient finalement plutôt bien, alors qu’ils subissent leur situation n’ayant d’autres choix que d’accepter les emplois de courte durée qui leurs sont proposés. Cette communication qui conduit, à mots couverts, à désigner les intéressés comme des profiteurs de l’assurance chômage a sur eux des effets délétères. L’assurance chômage est un dispositif fondé sur la solidarité interprofessionnelle et, dans ce cadre, il parait normal que ceux qui connaissent une certaine stabilité acceptent que les plus exposés au risque de privation d’emploi bénéficient de mesures de soutien et de protections renforcées. Ce n’est pas une réduction de leurs droits qui les aidera à s’insérer. Il faut plutôt envisager l’adoption de mesures qui découragent la conclusion de CDD, favorisent la reprise d’emploi et prévoient un soutien accru aux chercheurs d’emploi dont les droits arrivent à terme.

1 Alloc journalière= 6000/90*40,4%+11,92€, soit 38,85 € brut et 36€ net